La Ville de Varennes estime que le problème du camionnage sur le chemin de la Butte-aux-Renards pourrait se régler avec des investissements de « deux à trois millions de dollars » à condition que Québec aplanisse certains obstacles réglementaires pour la construction d’une voie de contournement.
Les résidants de la Butte-aux-Renards qui ont obtenu une injonction pour réduire le nombre des poids lourds qui passent par centaines devant chez eux pour livrer de la pierre de remblai au chantier Turcot croient pour leur part que la solution de la Ville ne ferait que déplacer le problème aux dépens d’autres résidants de ce chemin de campagne.
Ils préconisent, eux aussi, l’aménagement d’une voie de contournement pour dévier les camions de leur route actuelle, mais en suivant un tracé complètement différent de celui de la Ville, afin de canaliser tout le trafic lourd vers une route déjà dédiée au camionnage, aux limites de la municipalité.
La mise en oeuvre de l’une ou l’autre de ces autres voies pour les centaines de camions en provenance de la carrière Demix et de Pavages Varennes passe toutefois par l’adoption d’un décret du gouvernement de Québec afin de soustraire quelques hectares de terres au zonage agricole. Le conflit juridique mis au jour depuis l’injonction du 29 mars dernier suppose également la construction accélérée d’une nouvelle route qui éloignera les camions du chemin de la Butte-aux-Renards, où les résidants vivent un véritable calvaire depuis deux ans.
UNE TRÊVE TENDUE
La Presse révélait mardi que des résidants du chemin de la Butte-aux-Renards, à Varennes, ont obtenu une injonction interlocutoire de la Cour supérieure du Québec afin de limiter la circulation des centaines de camions empruntant quotidiennement cette route pour livrer des enrobés bitumineux et de la pierre de remblai destinés au chantier de l’échangeur Turcot.
La pierre de remblai était livrée de nuit, si bien qu’on a déjà dénombré plus de 1000 passages de camions en une seule nuit d’été sur le chemin de la Butte, en 2016.
Le constructeur de l’échangeur, KPH Turcot, a fait valoir devant la Cour que l’arrêt des livraisons pourrait entraîner des dommages allant « jusqu’à 100 millions ».
Le juge Kirkland Casgrain a accordé l’injonction aux résidants en écrivant que « la vie et la santé des citoyens de la Butte-aux-Renards val[ai]ent plus que le chantier Turcot ».
Depuis, ni le ministère des Transports du Québec, qui supervise la construction du nouvel échangeur, ni les propriétaires des deux entreprises en cause, le Groupe CRH Canada (Demix-Agrégats) et le Groupe Bau-Val (Pavages Varennes), n’ont officiellement réagi à ce jugement.
Le conflit juridique, qui oppose aussi les citoyens à la Ville de Varennes, aurait pu être évité si un projet de voie de contournement proposé par la municipalité, en 2000, avait été autorisé par la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ). Plus de 15 ans plus tard, cette proposition refait aujourd’hui surface, malgré les réserves importantes exprimées par les résidants du chemin de la Butte.
LA SOLUTION DE LA VILLE
En entrevue à La Presse, hier, le maire Martin Damphousse a assuré que la voie de contournement proposée par Varennes (voir la carte ci-contre) pourrait se réaliser en quelques mois, et que le coût des travaux nécessaires s’élèverait au plus « entre 2 et 3 millions ».
Les camions de la carrière Demix et de Pavages Varennes se dirigent vers le chemin de la Butte-aux-Renards par le chemin des Carrières. La Ville propose de prolonger la route privée en ligne droite sur une distance d’environ 200 mètres à travers des terres agricoles pour aller rejoindre le chemin de la Pointe-aux-Pruches. Cette route de service en gravier, qui appartient déjà à la Ville, longe l’autoroute 30 jusqu’à la montée de la Baronnie, où un échangeur conçu pour la circulation lourde donne déjà directement accès à l’A30.
Le maire affirme qu’en 2000, lorsque Varennes a proposé de construire cette voie, les deux entreprises en cause se sont opposées à ce tracé « parce qu’il rallongeait leur route de six kilomètres ». Le projet a dû être abandonné quand la CPTAQ a rejeté la demande de changement de zonage de la Ville, en 2001, et que le Tribunal administratif du Québec a confirmé cette décision, l’année suivante.
M. Damphousse affirme que « ce tracé de moindre impact » pourrait être soumis à nouveau à la CPTAQ, mais que le processus prendrait des années, en obligeant la Ville à faire des études d’impact pour cinq scénarios différents. Un décret gouvernemental modifiant le zonage et un certificat de réalisation adopté en « fast track », pour simplifier les processus environnementaux, permettrait toutefois à la Ville de construire rapidement cette nouvelle voie « pour régler une fois pour toutes la problématique de transport lourd des résidants de la Butte-aux-Renards ».
LA PROPOSITION CITOYENNE
Les résidants de la Butte-aux-Renards n’appuient toutefois pas la solution de la Ville. Leur porte-parole, Richard Duff, a affirmé à La Presse que ce tracé rendrait la vie impossible aux deux familles vivant de part et d’autre du nouveau chemin et créerait une intersection de route dangereuse pour les automobilistes circulant sur la Butte-aux-Renards. De plus, dit M. Duff, ce raccordement au chemin de la Pointe-aux-Pruches couperait en deux des terres agricoles en production et affecterait la gestion et les revenus des agriculteurs.
« Le scénario que nous avons proposé l’an dernier à la municipalité éloignerait tous les camions des zones habitées, explique M. Duff. La voie de contournement serait aménagée dès la sortie des carrières, perpendiculaire au chemin actuel, et longerait un boisé jusqu’à une voie secondaire qu’on appelle le chemin du Cordon. Les camions rejoindraient donc directement la montée de la Baronnie et remonteraient alors jusqu’à l’autoroute 30, sur une route que la municipalité a déjà décrétée voie de camionnage. »
Selon M. Duff, les terrains empruntés par la voie de contournement appartiennent à Demix et à la Ville de Varennes, ce qui éviterait tout recours à l’expropriation qu’envisage la municipalité pour son tracé.
« L’idée n’est pas nouvelle, assure M. Duff, qui habite la Butte-aux-Renards depuis 30 ans. C’est la solution qui avait été suggérée par les résidants quand on a déposé une pétition contre le camionnage, en 1987. Si la Ville avait donné suite à cette idée il y a 30 ans, on n’en serait pas à s’affronter devant les tribunaux, aujourd’hui. »